Ces fleurs sont pour toi

 

Par le fruit du hasard,

J’ai fouillé dans une boîte en noir.

J’y ai découvert tant de vieux souvenirs.

Lesquels m’ont fait tantôt pleurer, tantôt sourire !

 

Il y avait des médailles reçues après la Grande Guerre.

Des décorations pour lesquelles je ne m’en souciais guère.

Des correspondances avec des amis maintenant disparus.

Envolés au gré du vent et des jours tel que devient ma vue.

 

Fort heureusement, je ne suis pas encore non voyant.

Je profite de la situation pour me souvenir du bon temps.

De l’époque de ma jeunesse où j’étais épris d’une déesse.

Elle avait su pénétrer, de mon âme, la forteresse.

 

Je n’ai jamais osé, de mon affection, le lui manifester.

Car, en ce monde, rien n’est plus souffrant qu’un cœur blessé.

Dans le plus grand secret de mes nuits, je l’admirais, je la désirais.

Tant de poèmes d’amour, pour elle, avec patience, je composais.

 

Elle me faisait penser au printemps.

Elle parfumait, de sa présence, l’air du temps.

Tous les étudiants se retournèrent à son passage.

Sauf moi, car je voulais paraître, de la faculté, le plus sage.

 

Les années se sont écoulées.

Chacun a suivi sa propre destinée.

Quand j’ai su qu’elle allait vivre dans un pays lointain.

J’ai subitement pris mon courage à deux mains.

 

 Par un beau matin, je suis allé chez un fleuriste.

Habillé comme prince, légèrement parfumé et un brin triste.

Au commis, je lui ai demandé de me faire un joli bouquet.

Il était le symbole de tout l’amour que je lui portais.

 

Je le voulais de mille couleurs.

Un peu comme pour conjurer ma peur.

Une crainte qu’elle n’ait pas apprécié mon présent.

C’était une folie sortie tout droit de mon imagination, sûrement.

 

Puis, le moment tant attendu arriva.

Vers la demeure de ses parents, je filais à grands pas.

Quoi de plus agréable que d’aller vers sa dulcinée ?

Comme la vie était belle en cette journée ensoleillée.

 

Devant la porte, une étrange sensation m’avait envahi.

Je me suis dit : « Et si son cœur, d’un autre homme, était pris ? »

Après tout, au lycée, elle et moi avons rarement discuté.

C’est alors que le vase, avec précaution, sur le seuil, j’ai déposé.

 

Comme par magie, j’avais eu la brillante idée.

Une phrase, sur une carte, j’ai simplement griffonné.

J’avais choisi les mots à la fois si éternels et si gracieux.

Ce sont souvent les plus estimés par les nations vivant sous les cieux.

 

Je me revois écrire avec une main étrangement tremblante.

Comme celle que j’ai, en cette vieillesse qui, sans cesse, me hante.

Quand j’y pense bien comme il le faut, cela me met en émoi.

On pouvait y lire ceci : « Ces fleurs sont pour toi. »

 

De

 

Rolland Jr St-Gelais

Québec (Québec)

Canada