Je profite de cet instant pour partager avec vous mon opinion, aussi humble soit-il, sur un aspect précis du domaine de la nudité artistique. Un aspect qui, je le crois, n’a été qu’effleuré au fil de mes nombreuses publications sur les séances auxquelles j’ai eu la chance de participer depuis que je suis devenu modèle nu pour des écoles d’arts et des ateliers où le dessin était l’outil de travail des artistes présents. Cet aspect concerne le regard de l’artiste sur son modèle. Un regard qui est, vous devez vous en douter, très différent de ce que l’on retrouve au sein des magazines et, encore plus, au sein des nombreuses publicités où le corps, notamment celui de la femme et dans une moindre mesure celui de l’homme, est utilisé pour faire mousser la vente de tel ou tel produit.
Quel est donc ce regard ? Je répondrai à cette question par une vérité enseignée par les plus sages : Il y a autant de regards sur autrui qu’il y a d’individus sur terre. Ceci est bien évidemment le cas pour les artistes lesquels ont leurs propres expériences de vie, leurs valeurs, leurs degrés d’ouverture sur le monde et leurs interdits plus ou moins nombreux, ainsi que leurs préoccupations pouvant altérer leurs visions du sujet étudié. C’est un fait que les expériences de vie, et pas seulement pour les artistes, ont une influence énorme sur la manière dont tout-un-chacun perçoit le monde environnant. Par exemple, chaque lecteur d’un quotidien interprétera les nouvelles qui y sont rapportées à la lumière de ce qu’il a ou non vécu au cours de sa vie. Comme on dit si bien, tout le monde peut parler sur la guerre, mais seuls ceux qui l’ont vécu de près sont en mesure de saisir tout ce que cela comporte de cruel.
Il en est de même des valeurs personnelles. Dans le cas présent, la grande majorité des étudiants en arts pour qui j’ai posé nu dans le cadre de leurs formations académiques a semblé être emballée par le fait que je fus entièrement nu durant leurs séances. Je leur ai donné le meilleur de moi-même et, en contre partie, ils sont venus y puiser tout ce qu’ils pouvaient en tenant compte de leur savoir-faire. Or, certains élèves ont préféré ne pas assister aux dites séances pour des motifs qui leurs appartiennent et que les responsables des groupes se devaient de respecter. Ce qui est la moindre des choses en pareilles circonstances. N’est-ce pas ?
Le degré d’ouverture sur le monde, élément sous jacent aux valeurs personnelles en y incluant leurs interdits, peut aussi être un facteur déterminant dans la vision de l’artiste envers le modèle nu. Ici, je dois reconnaître que la quasi majorité des artistes, en incluant les élèves des écoles d’arts, ont une propension fort étonnante à découvrir le monde. Je parle bien du monde en général et non seulement du milieu environnant dans lequel ils vivent. D’ailleurs plusieurs d’entre eux ont voyagé en de nombreux pays enrichissant ainsi leur culture générale. Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ?!
Et que dire de leurs préoccupations pouvant altérer leurs visions du sujet étudié ? C’est un fait indéniable que nous sommes tous marqués par les événements qui se déroulent dans notre vie quotidienne. Des factures à payer, des soucis de travail, des rapports houleux avec l’être aimé et bien d’autres aspects qui jalonnent le parcours de notre destiné peuvent obscurcir notre vision de la vie. Bien entendu que de tels aspects influenceront les artistes dans leurs démarches. Certains d’entre eux transposeront de manière plus ou moins consciente leurs préoccupations sur la vision qu’ils en ont sur le modèle nu qui se trouve devant eux. Dis-moi ce que tu penses et tu me donneras ainsi une bonne indice de ce que tu vois. Dis-moi comment tu le vois et je te dirai la couleur de ton âme. Il en est de même pour chacun d’entre nous.
Bref, le regard de l’artiste comporte des facteurs à la fois psychologiques et psychiques qui l’amèneront à mettre sur toile sa vision d’un instant précis de sa vie. Un instant figé par quelques coups de crayons ou de pinceaux ici et là sur une toile vierge. Un moment temporel couché sur une toile blanche pour le reste de l’éternité. C’est ainsi que de voir un modèle nu sur une toile quelconque, c’est d’abord et avant tout voir la profondeur de l’âme de l’artiste. Je conclue cet article en paraphrasant une parole d’un grand sage natif de Bethléem : « Qui me voit sur toile, voit aussi mon père ! »