Réalisation de Simon Dupuis (St-Jérôme mercredi 9 mars 2016)
Pourquoi ai-je choisie les poses couchées?
Bonjour tout le monde,
Je profite tout d’abord de l’occasion qui m’est offerte pour vous souhaiter une joyeuse fête de la St-Patrick. Une fête que l’on a coutume de célébrer un peu partout en Amérique du nord, vu le nombre important de personnes de descendance irlandaise, non seulement aux États-Unis mais également au Québec, seul état francophone sur un continent à grande majorité anglophone. Hé oui! Il faut savoir jeter de nombreux coups d’œil afin de découvrir plusieurs subtilités qui se glissent dans le, permettez-moi cette métaphore, patrimoine génétique des nord-américains.
Ensuite, il me fait plaisir de vous expliquer et ce, avec un souci de concision, les raisons qui amènent votre humble serviteur à débuter les séances de nudité artistique par des poses soit couchées ou bien assises et de les terminer par des poses dites « debout » même si les premières ont une duré beaucoup moins longues que les secondes. Lesdites raisons sont intimement liées à mon expérience de vie.
Enfin, je terminerai ce présent article par les objectifs recherchés lors des poses dites « debout. Des objectifs qui m’ont été inculqués lors d’une séance qui a eu lieu à la Fabrique de l’université Laval à Québec, voilà déjà quelques années. Une séance qui m’a valu une reconnaissance officielle comme modèle nu vivant avec un handicap physique, certes apparent, mais fier de sa personne parmi de grands artistes de Québec.
Et, entre vous et moi, cela m’a fait un petit velours de poser nu pour un groupe d’artistes dont le talent est, croyez-moi sur parole, est tout à fait remarquable tant par la qualité des œuvres réalisées que par leur diversité d’approche.
Pourquoi ai-je décidé de débuter les séances de nudité artistique par des positions soit couchées ou bien assises même si elles ont une durée de temps plus courte que celles dites « debout »? Hé bien, croyez-le ou non, mon expérience de vie, qu’on le veuille ou non influencée par le fait d’être parmi les survivants de la thalidomide, a joué un rôle majeur de vouloir commencer par de telles positions. En effet, être conscient de mon physique quelque peu hors-norme m’a amené à prendre la place de l’artiste qui me voit pour la toute première fois. Comment lui faire découvrir mon corps? Comment l’apprivoiser afin de pouvoir nous apprivoiser mutuellement? Que peut-il voir de beau, d’intéressant et digne d’intérêt à être mis sur un support? Quoi de mieux d’y aller de manière graduelle en lui présentant les différents facettes qui composent ce corps? Différentes facettes vues avec rapidité afin de permettre à l’artiste de s’habituer à ce qu’il voit peut-être pour la première fois de sa vie: un homme nu ET atteint d’un handicap bien visible où vit une âme en harmonie avec lui-même et son milieu environnant.
Comme un alpiniste souhaitant escalader une montagne dont le sommet pointe les cieux, allant jusqu’à braver les dieux de l’Olympe, l’artiste désire ouvrir son regard sur ce corps qui lui est présenté. Présenté mais non pas exhibé comme un monstre de foire. Voilà pourquoi mon désir de m’ouvrir à lui à la manière d’une fleur sensible qui étend ses tendres pétales afin de lui permettre de sentir son doux parfum lequel sera décrit selon ses sensations de cet instant unique où lui et moi vivons ensemble dans une communion de corps et d’esprit.
Il en est de même de notre apprivoisement mutuel puisqu’il m’est un devoir de dire en quelques mots qui je suis et ce que je souhaite lui présenter tout au long de la séance, et ce dès l’instant où je monte sur la balustrade. Un peu comme le renard dans Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, on doit aussi m’apprivoiser si on veut jouer avec moi. Un jeu dans lequel l’artiste joue à découvrir cet autre que l’on ne s’attend pas à voir au sein de la masse des hommes.
Que peut-il voir de beau, d’intéressant et digne d’intérêt à être mis sur un support? Voilà une question que seul l’artiste peut résoudre mais à la condition sine qua none que je lui tends la main pour l’aider dans sa quête. Y aller de manière graduelle en lui présentant les différents facettes qui composent ce corps m’a semblé être la meilleure option pour atteindre un résultat satisfaisant de part et d’autres.
Apprivoiser est certainement ce qui me motive le plus à chacune des séances de nudité artistique auxquelles j’ai participé jusqu’à maintenant. Toutefois, ce qui est souvent le plus ardu pour une bonne partie des modèles nus consiste à réussir à le faire envers soi-même. Ne dit-on pas que nous sommes souvent les pire juges envers nous-mêmes? D’ailleurs, une charmante dame m’avait avoué ceci lors de mon périple à St-Jérôme: « Mon cher Rolland, tu es parmi les modèles nus qui vivent leur nudité avec tellement d’entrain et de sérénité que cela en est réellement impressionnant. Tu fais partie d’une classe à part. » Ça ma fait chaud au cœur d’entendre çà. Ho que si!