Aujourd’hui est une journée pas tout à fait comme les autres. En effet, j’ai eu la chance unique d’exprimer à mon père toute ma gratitude pour l’ensemble des gestes qu’il a posé dans le but de rendre mon avenir, qui est mon présent actuel, heureux et fécond. Comme vous le savez probablement, votre humble serviteur est parmi l’un des survivants de la thalidomide au Canada. Étant né notamment sans langue et avec d’autres handicaps multiples, mes parents ont fait tout en leur possible pour me préparer à vivre une vie la plus normale qui soit.
Cependant, leur plus grande crainte était que je ne puisse communiquer avec autrui. Voilà pourquoi ils ont tout fait pour me donner le maximum d’instruction afin d’une part, palier à mon handicap physique et, d’autre part, me permettre de communiquer tant par la lecture que par l’écriture. Or, et merci mon Dieu, non seulement l’écriture et la lecture sont devenues pour moi de véritables passions mais ma capacité de communication verbale est somme toute très remarquable dans les circonstances. Voilà l’élément pour lequel je désirais ardemment remercier mon père d’avoir permis à son fils dernier-né de posséder une qualité d’instruction fort enviable.
À cela s’ajoute le fait qu’il n’a jamais eu honte de ma « différence » physique. Et parmi ses plus grands plaisirs, ce fut de me présenter à ses amis et connaissances comme je suis, sans tambour ni trompette. C’est ainsi que grâce à l’appui inconditionnel de mes parents, je suis fier de mon corps et que jamais il ne sera question de le cacher. Qui plus est ! Il ressent une certaine fierté à l’égard du fait que je sois modèle nu pour des écoles d’arts et des ateliers ou encore des artistes en arts visuels. Pourquoi donc me diriez-vous ? Et bien comme il le dit si bien lui-même : » Mon Rolland, ta mère et moi avons tellement travaillé pour que tu puisse t’accepter comme tu es. Savoir que tu pratiques une profession telle que la tienne me dit que nous avons accompli notre mission. »
En terminant cette missive, je vous remercie à la fois pour votre assiduité, vos encouragements, parfois vos critiques qui sont en soi une excellente chose, et aussi pour le temps que vous prenez pour lire mes nombreuses publications.
J’espère que vous avez passé une belle journée en ce 1er juillet 2017, date de la fête du Canada. Mon pays que j’aime tant et que je souhaite à ceux et celles qui sont venus s’y établir d’y trouver un hâvre de paix et de justice. En parlant de justice, un fait assez troublant est survenu au sein d’une polémique entourant la photographie d’une femme, un modèle féminin ayant visiblement un surplus de poids, qui est publiée dans un magazine. La polémique réside dans certains commentaires qu’une chroniqueuse a écrits concernant le physique du modèle nu.
Je vais mettre les choses au clair afin de bien faire comprendre le fondement même de mon article : La liberté d’expression est, et doit demeurer, la pierre angulaire de la démocratie car sans une telle liberté toute société dite « démocratique » est vouée à une disparition, laissant ainsi la place au despotisme en tous genres. Oui, le droit de critiquer existe et doit continuer d’exister. Ce qui est notamment le cas, pour faire le pont avec mon sujet, à l’égard du domaine artistique.
Or, il y a une distinction à faire entre d’une part, critiquer la création artistique en tant que tel et, d’autre part, chercher à rabaisser le modèle vivant pour son physique. On peut être en désaccord total avec le concept en soi et la manière dont il a été présenté au grand public par l’artiste. C’est le cas, pour le sujet qui nous intéresse, d’un modèle vivant avec un surplus de poids très visible. À la limite, il serait même de notre devoir de fustiger l’auteur(e) de photos lesquelles dénoteraient un manque de respect envers ledit modèle. Un manque de jugement est toujours possible chez l’être humain aussi noble son intention puisse-t-elle être. Il en va de même dans toutes les professions y incluant le domaine du nu artistique.
En terminant cette missive, il est à retenir qu’en règle générale, les modèles vivants ne voient pas toujours le résultat final des réalisations pour lesquelles ils ont posées nus. Qui plus est, la vision varie d’un artiste à l’autre sans oublier que le manque d’expérience peut devenir un facteur déterminant dans la réussite, ou dans le cas présent l’échec, d’une photo. Croyez-moi sur parole ! J’en sais quelque chose.
Mais de grâce, si il y des critiques à formuler, faites-les sur la présentation, la vision et la recherche de l’artiste. Ne les faites pas sur le physique du modèle vivant. On peut être en total désaccord avec l’objectif du photographe, du moins sa façon de l’avoir fait. D’ailleurs, une critique de la vision, surtout si elle est plus que « douteuse », est toujours appropriée. Dans un tel cas, je donnerai raison sur ce point, mais en aucun cas on peut se permettre de s’attaquer au physique du modèle vivant, voire ici une femme atteinte d’obésité. La raison en est fort simple: Ne dit-on pas que nul ne connait de quoi son avenir sera fait? C’est une question de principe.