La passion de la nudité artistique
Bonjour tout le monde,
Je désire partager mon opinion sur un sujet qui semble, c’est du moins ce que plusieurs de mes amis et connaissances me font savoir, avoir troublé quelques-uns d’entre vous. J’utilise ici le verbe troubler dans un sens plutôt interrogatif, et ce à double volet puisque d’une part, je fais référence d’abord et avant tout à une réelle passion et d’autre part, elle concerne de manière plus spécifique à la nudité artistique. Ici, les termes de « nudité » et « artistique » doivent être pris comme complémentaire l’un de l’autre. En effet, un peu à l’image du corps humain qui a besoin de deux jambes pour avancer sur la route de la destinée, la « nudité et artistique » sont interdépendants dans ma philosophie en tant que modèle nu. N’oublions pas qu’il s’agit bien d’une philosophie de vie car elle englobe toutes les composantes de la personne lesquelles lui permettent d’offrir son corps, tel un pur présent, à l’artiste qui le découvre avec ses propres yeux.
C’est un fait indéniable. Accepter de poser nu que ce soit pour un artiste dans la plus stricte intimité ou devant un groupe composé de personnes appartenant aux deux sexes, à des catégories d’âges fort variées ou encore à des strates sociales et économiques fondamentalement différentes relève dans une certaine mesure d’une acceptation pleine et entière tant de ses forces et de ses faiblesses physiques. D’ailleurs, et pour corroborer mes propos, je me rappelle d’avoir discuté avec deux jeunes gens lors de la séance sur de l’écriture érotique qui a eu lieu ce mercredi le 11 mars 2015 chez Le Pentum. Au fil de notre discussion, brève mais intéressante, je leur avais avoué que je suis moi-même modèle nu malgré mon « handicap physique apparent ».[1]
Deux choses sont apparues dans les yeux de mes interlocuteurs, et ce dès l’instant où je leur ai avoué que je suis modèle nu. En premier lieu, leur grand étonnement car de leur propre aveu, ils reconnurent qu’ils seraient incapables de supporter le regard d’un autre sur leur nudité. Et, en second lieu, l’image de la nudité, en l’occurrence la mienne, ne pouvait être présentée que selon des critères de perfection. Or, il en est rien. Croyez-moi ! J’en sais quelque chose puisque lorsque je suis né, certaines personnes bien pensantes dirent à mes parents ceci : Que je ne pourrai jamais écrire, ni parler, ni marcher et jamais je ne pourrais être instruit et le pire, qu’il serait préférable de me tenir loin des regards des autres. Étrange ! Je parle sans avoir de langue, j’écris sans avoir de mains, je marche et je fais des activités que bien d’autres n’oseraient jamais faire. Qui plus est ! Je suis fier de mon corps lequel a une histoire qui mérite d’être connue autrement que par les domaines de la justice ou de la médecine.[2]
Revenons à nos moutons ! Oui, je suis passionné par la nudité artistique. Une passion que j’ai découverte, aussi bizarrement que cela puisse paraitre, à la suite de la lecture dont le sujet est la politique eugénique sous le IIIe Reich qui sévissait d’abord en Allemagne dès la prise du pouvoir par les nazis en 1933 et, ensuite, dans toute l’Europe occupée sous le joug hitlérien. Est-il nécessaire de vous rappeler que les personnes atteintes de divers handicaps tant physiques qu’intellectuels furent parmi les premiers à connaitre les chambres à gaz si ce n’est pas purement et simplement la stérilisation forcée ? Par ailleurs, les artistes allemands étaient souvent engagés pour promouvoir la perfection du corps selon, vous vous en doutez bien, les critères idéologiques nazis. Fait à retenir ! Il m’est arrivé en maintes occasions d’expliquer aux artistes avec qui je travaille les raisons qui m’ont incité à devenir modèle nu. Et il me fait plaisir de leur rappeler que les artistes, du moins quelques-uns d’entre eux, furent misent à contribution pour la justification des plus faibles de la société.
Certaines personnes sont passionnées par la musique, les sports, le cinéma et par bien d’autres sujets. Remarquez ici que j’aime beaucoup la musique, le cinéma et par les sports, en particulier le hockey. À cela vient s’ajouter la photographie. Toutefois, la nudité artistique possède, du moins à mes yeux, un caractère à la fois de sacralité et d’interdit. Sacralité et interdit ! Quels qualificatifs pour décrire une seule et même réalité. N’est-ce pas ?!
Sacralité qui concerne à juste titre le corps humain fait, si l’on s’en tient au récit de la Genèse, « à l’image et à la ressemblance de Dieu »[3] Sacralité qui le place, certains d’entre vous peuvent être en désaccord, bien au-dessus de toute la Création. Sacralité qui de par sa définition même doit inciter chacun et chacune d’entre nous à vouer un respect non seulement à son corps, ce qui va de soi, mais tout autant à celui de son prochain qui est lui aussi fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et, finalement, une telle sacralité confère, l’un des fondements à toutes les religions dits « de la révélation », au corps humain l’espérance en sa résurrection.[4]
Interdit qui se rapporte aussi étrangement que cela puisse paraitre à la moralité judéo-chrétienne où seuls les époux ont le droit, et selon des critères religieux et légaux, de voir, d’admirer et d’apprivoiser la nudité mutuelle dans un cadre matrimonial. Interdit qui renforce le tissu social, du moins en certaines circonstances et en des occasions bien précises, favorisant des interactions possibles entre les individus. Chose à toujours se souvenir ! Il y a eu toujours plus de liberté au sein même des interdits qu’il y en aurait en énonçant une plurielle de permissions. Enfin, l’interdit favorise les balises qui définissent tous les comportements sociaux et incite au respect des normes sous peines de sanctions parfois légales, parfois pécuniaires ou bien tout simplement les deux.
Voilà les deux autres éléments qui ont fait de la nudité artistique, et de surcroit mon travail en tant que modèle nu, une véritable passion. Oui, je pose nu que ce soit devant un ou un groupe d’artistes. Oui, j’offre mon corps à celui qui regarde pour l’apprivoiser, le connaitre et en tirer des caractéristiques qui font de lui un corps réellement unique, non seulement du à sa « différence » mais bien davantage par ce qui le rapproche de ses pairs. Oui, je permets à cet autre de le transposer sur la toile ou sur tout autre support qui lui permettra de l’immortaliser pour les générations suivantes. Mais, tout ceci doit être fait avec tout le respect possible en pareilles situations.
Merci de m’avoir lu.
RollandJr St-Gelais
Québec (Québec)
Canada
[1] Je me souviendrai toujours de ces quelques mots de la part d’une responsable d’une école d’arts lesquelles ont joué un rôle de catalyseur dans ma volonté de devenir un modèle nu, connu et reconnu, tant au Québec qu’à l’étranger. L’aboutissement de mes efforts a eu lieu lorsque l’on m’a engagé au sein des modèles nus de La Fabrique, institution de niveau universitaire ici même à Québec ce samedi 7 mars 2015.
[2] Est-il utile de vous rappeler qu’en tant que victime de la Thalidomide les avocats et les médecins ont été parmi les premiers à s’intéresser à mon corps? Pas besoin de vous en expliquer les raisons. N’est-ce pas?!
[3] Genèse 1, 27
[4] Oui, je suis croyant et je l’assume pleinement.