Tu seras toujours dans mon cœur.

Noir (2)

Tu seras toujours dans mon cœur.

J’ai choisi de rédiger ce dernier article, d’une série de quatre où je raconte mon expérience vécue en tant que modèle nu à Montréal, sous forme d’une missive qui est destinée à une femme que j’ai jadis aimée voilà plusieurs années. Je l’ai composée en espérant qu’un jour elle en prenne connaissance d’une manière ou d’une autre. Le titre de mon article est peut-être un peu trop simpliste, mais il résume à la perfection ce que je ressens au plus profond de mon être. Oui, elle sera toujours dans mon cœur. Et, soyez-en convaincus, c’est avec raison.

Québec,

Le 16 novembre 2015

Ma chère Louise-Marie,

Voilà déjà plus de trente ans que nos routes se sont séparées. Nous avons poursuivi, chacun de notre côté, notre chemin respectif. Deux personnes qui se sont rencontrées dans le début de la vingtaine. Un âge qui est, en règle générale, fort prometteur pour le commun des mortels. Un âge qui est aussi propice aux expériences en tous genres. Ne dit-on pas « … que l’expérience forme la jeunesse? » Nous nous sommes donc rencontrés à une période de la vie où tout, ou presque, s’ouvrait à nous.

Mais, avant d’entrer sur le vif du sujet, je souhaiterais simplement te raconter mon cheminement de vie depuis le jour de notre rupture. Une rupture où de profondes blessures ont été longues à cicatriser, sans pour autant ne jamais être guéries complètement, du moins de mon côté. Sois rassurée! Il n’est nullement question de me plaindre sur quoi que ce soit. La vie en a voulu ainsi, et l’on ne peut guère revenir en arrière.

Bref, et pour faire court à mon cheminement personnel, je peux affirmer sans aucune gêne que les trente dernières années ont été plus qu’extraordinaires: vedette de la télévision à maintes reprises, avoir gagné une cause en lien avec ma situation physique causée par la thalidomide, avoir accompli de longues études universitaires, avoir fait la rencontre de gens avec lesquels j’ai eu la chance de vivre des expériences fantastiques. Cependant, la plus belle de mes réussites réside dans ma sobriété la plus complète à l’égard de l’alcool, et ce depuis plus de dix-sept ans. Dix-sept ans de sobriété et de reprise en mains! Ma vie en a été transformée, c’est le moins que je puisse dire.

Un autre fait digne de mention, c’est d’être devenu un modèle nu pour différentes écoles d’arts et des artistes professionnels ou amateurs depuis environ un peu plus de trois ans. Ceci m’a permis de côtoyer des gens merveilleux aux multiples talents. Des gens avec qui j’entretiens de belles relations amicales notamment grâce aux réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter. Oui, ma vie est belle et rien ne m’autorise à m’apitoyer sur mon sort. Mais, attention! Je ne dis pas que tout est rose. Comme chacun d’entre nous, certaines situations plus ou moins désagréables peuvent survenir en cours de route. Qui peut se vanter d’avoir en tout temps un beau ciel bleu exempt de quelques petits nuages gris?

NoirEn août dernier, un atelier de modèles nus a retenu mes services pour une séance qui se déroula en pleine période de canicule. Ce fut-là une séance digne de mention car, pour la toute première fois de ma courte carrière de modèle nu, j’ai pu exprimer ce que je ressentais au plus profond de mon être en affirmant ceci : « En 1984, j’ai fait la connaissance d’une femme extraordinaire. Une femme qui a été la première à m’avoir vu entièrement nu. Elle aurait pu rire de ma situation physique, vouloir m’humilier. Ce qui n’a pas été le cas. Au contraire! Elle a su témoigner à mon égard de la bonté comme jamais aucune femme ne l’avait fait avant elle. Lorsque je pose nu devant un groupe d’artistes ou d’étudiants-es en arts, c’est Louise-Marie que je revois en pensées. » Tu peux me croire que bien des larmes ont coulé lorsque j’ai prononcé ces quelques mots. Des mots qui ont émergé à la fois de mon âme et de mon cœur.

Sache Louise-Marie que je te remercie d’avoir eu la bonté d’être venue me voir lorsque je résidais en résidences universitaires. Je te remercie aussi d’avoir été ma confidente et ma plus tendre amie au début de ma jeune vie d’adulte. Tu as su venir me chercher dans mes retranchements les plus intimes, me libérant d’un poids énorme lequel ma défunte mère a été bien contente de savoir. Je te remercie aussi pour la bonté que tu as su manifester à mon endroit. Certes, cela correspond aussi à une période des plus mouvementées au cours de ma vie. Une période où j’ai été manipulé par des avocats immoraux et sans scrupules. Je pense à l’un d’entre eux en particulier. Mais, il est plus prudent de ne point le nommer afin de m’éviter des poursuites. La prudence est l’une des vertus cardinales qui doit toujours être mise-en-application.

Sache Louise-Marie que je regrette sincèrement la manière dont notre rupture a eu lieu. Une rupture à laquelle je pense chaque jour depuis plus de trente ans. J’en prends l’entière responsabilité tout en souhaitant qu’un jour nous puissions nous rencontrer. Sans amertume, ni colère. Mais bien dans une paix et une grande sérénité. Te revoir ne serait-ce qu’une journée, une demi-journée ou bien simplement une heure. Faire la paix entre nous deux. Faire la paix avec toi. Ce qui me permettra également de faire la paix avec moi-même.

Sache Louise-Marie lorsque je suis allé à l’université du Québec à Montréal, le fameux U.Q.A.M., en tant que modèle nu, je m’étais rendu-compte que mes yeux te cherchèrent parmi toutes les étudiantes qui étaient présentes au premier étage de cet établissement. Mes yeux te cherchèrent tandis que de ma bouche ces quelques mots sortirent : « Mon Dieu! Ce que j’aimerais te revoir une seule fois avant de rendre l’âme. »

Saches Louise-Marie que je suis fier de la femme que tu es devenue. Oui, je te suis par l’entremise de réseaux sociaux tout en respectant ta vie privée et sans jamais vouloir t’importuner. D’ailleurs, j’ai appris dans quel domaine tu travaillais. Et, c’est un domaine où la patience et la compassion ainsi qu’un amour inconditionnel pour ton travail sont quasi sans limite. Tu es réellement une femme magnifique envers qui j’ai un profond respect.

Merci Louise-Marie pour la chaleur de ton regard que tu posas sur moi un certain soir d’hiver 1984. Un regard que je retrouve au sein de chacune des séances de nudité artistique.

Enfin, sache Louise-Marie que tu seras toujours dans mon cœur, et ce, en dépit des trente années écoulées, mais surtout en dépit de notre rupture douloureuse. Je te souhaite tout le bonheur qui existe en ce monde. Une qui le mérite, c’est bien toi.

Merci de m’avoir lu!

RollandJr St-Gelais

Québec (Québec)

Canada

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